9.6.11

Pope with Owls, 1958


Francis Bacon, Pope with Owls, 1958. Oil on canvas, 198 x 142 cm. Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Brussels

La série d'études de têtes de 1949, caractérisées par les bouches criantes laissant apparaître les dentiers articulés, est annonciatrice de la série, la plus connue des années cinquante, inspirée par le portrait du Pape Innocent X, peint par Vélasquez. Dans la version bruxelloise, réalisée à Tanger en 1958, le Pape est assis sur un trône dont le dossier supporte, aux extrémités, deux hiboux. En dépit de tout protocole, le souverain pontife, apparemment inquiet, regarde attentivement vers sa droite, dans la même direction que les hiboux ; il est plongé dans le noir absolu et comme isolé dans une cage de verre à la perspective curieusement déformée. Certaines interprétations veulent y voir une ressemblance avec Pie XII, dont le silence face à l'Holocauste fut une source de controverse après la guerre. Il faut sans doute y voir d'abord le plaisir de l'artiste à subvertir une représentation vénérée par un traitement violemment expressionniste.
La force des portraits papaux réside dans les contorsions expressives du visage, dénué de toute sérénité et de toute splendeur baroque. L'arrière-plan est réduit à une surface monochrome noire permettant de mettre en valeur un espace géométrique schématisé. L'artiste déforme le visage et les vêtements papaux par de sauvages et gestuels coups de pinceau. Ce sont surtout le visage et les mains qui sont transformés en une sorte de masse de chairs torturées. La monture des lunettes est tordue et cache un regard énigmatique et distant. Bacon va plus loin que Edward Munch, qui exprime avec "Le cri" l'agonie névrotique humaine. Avec cette traduction picturale de l'image humaine oppressante, Francis Bacon est le principal interprète de l'angoisse existentielle de l'après-guerre (Jacques Lust, Musée d'Art Moderne: Oeuvres choisies, Brussels: MRBAB, 2001, p. 208-209).

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